Xil’kha était originaire du village de Leptos, sur les hauts du fleuve. Sa famille y était implantée depuis des lunes, et elle avait plusieurs frères et sœurs. Elle avait grandi comme tous les habitants de Marm’haara, sous la chaleur de Kohor et Sinaoe. Xil’kha n’était plus une enfant, désormais. Elle avait choisi de devenir soignante, d’apporter réconfort et guérison auprès des siens. Son père était agriculteur, et sa mère descendait une fois par année à Thelak pour vendre la récolte, accompagnée des enfants, qui trouvaient ses journées tellement amusantes. Ils repartaient avec quelques caramels et fruits, deux jours plus tard. En grandissant, ils obtinrent de leur mère la permission de participer au bal des Divinités Protectrices, après bien sûr s’être rendus à la messe de remerciement.
Chacun était anxieux, car les sélections des Wraiths venaient régulièrement perturber la sérénité de Marm’haara. Ils arrivaient dans des calèches volantes qui lançaient des filets lumineux et faisaient disparaître les gens. Parfois, le Cercle devenait bleu et ils sortaient pour tuer sur place les malheureux qui n’avaient pas couru assez vite. Mais jusque-là, les Divinités Protectrices avaient toujours empêché que les Wraiths ne gâchent la fête.
Pour cette occasion, le Prêtre de Thelak ne se rendait pas dans la Chapelle, trop petite pour accueillir les participants, mais il organisait la célébration près du Cercle. Le Prêtre prononçait quelques paroles et les participants répétaient les psaumes appris par cœur. Quelques chants solennels terminaient la cérémonie. L’évènement qui suivait était aussi très important, car il participait au brassage des populations et clôturait le marché. Le bal voyait les jeunes filles rivaliser d’élégance et les jeunes hommes être gauches et timides : c’était leur seule occasion de faire connaissance avec de nouvelles personnes.
Xil’kha participa une seule fois au bal. Elle avait 18 ans, et venait juste d’acheter une robe bleue nuit, qui seyait à sa chevelure prune. Ses yeux violets attiraient souvent l’attention, et ce soir là, il en fut de même. Ses grands frères, bien que dansant avec des demoiselles des villages voisins, veillaient sur elle avec attention. Elle accepta quelques invitations, puis un jeune homme s’avança vers elle, son élégante tenue ne laissant guère de doute sur sa condition sociale. Il se présenta comme s’appelant Jairkai. La jeune fille sembla sous le charme, et ils enchaînèrent plusieurs danses avant de s’installer à une table pour faire plus ample connaissance. La mère de Xil’kha se renseigna immédiatement, et eut un large sourire : c’était le fils du Prêtre.
Ils se marièrent l’année suivante, en toute simplicité, et elle vint s’installer à Thelak, dans l’une des petites maisons claires près des champs de céréales. De cette union ne naquit qu’une fille, qui fut prénommé Ker’hia. Celle-ci désarçonna sa mère par son caractère fonceur et volontaire, mais elle avait une beauté sauvage qui la rendait attirante. Sa mère était certes mariée au Prêtre en fonction, mais elle n’avait pas oublié les vieux usages de son village. Elle fit tatouer derrière l’épaule gauche de sa fille un symbole en forme de cercle, avec des croisements étranges. Xil’kha croyait que les Wraiths n’enlevaient pas les gens au hasard, et que celui-ci saurait la protéger.
Vint le jour où Xil’kha comprit son erreur.