Taek'Won venait tout juste d'arriver sur la planète qui serait désormais sa nouvelle affectation. Il avait été étonné d'avoir été choisi car après tout, il était depuis peu sur In'Nite et n'avait été déprogrammé que récemment. Certes, il avait bien réagi et sa prise de conscience sur la réalité de son faux dieu s'était accompagnée d'une révolte forte et déterminée. Sarang l'avait trompé pendant toutes ses années, faisant peser sur son peuple le jougs d'un esclavage dur et cruel. cela avait fait naître chez Taek'Won une farouche volonté de revanche et une loyauté absolue envers ses frères qui l'avaient libéré.

Le jeune Jaffa avait depuis appris l'existence d'autres menaces dans l'Univers, certaines encore plus puissantes et dangereuses. Le Conseil de la Nation prônait l'alliance entre races afin de créer une force assez puissante pour résister et faire triompher la cause de la liberté. Et Wis'No, l'un des représentants du Conseil, avait désigné Taek'Won pour se rendre sur la Tau'ri, comme un signe concret de cette union. Le Jaffa en avait été flatté et était prêt à honorer cette décision avec toute son implication.

Il se trouvait donc ici désormais, complètement perdu à son arrivée après avoir traversé le Chapa'ai. Il portait sur son épaule un sac avec ses maigres affaires et sa tenue jurait avec celles des militaires présents. Il y avait une différence entre ce qu'il avait imaginé, le combat, l'engagement, et la réalité, l'affectation ici. Il devrait s'y faire, c'était la raison majeure qui avait décidé le Conseil à le désigner: Taek'Won s'accommodait de toutes les situations et parvenait à gérer les complications. Il jeta un regard autour de lui avant de réaliser que quelqu'un s'adressait à lui. Apparemment, il avait encore une formalité à accomplir.

Wis'No l'avait prévenu que les Tau'ris étaient férus de ce genre de paperasserie, mais il ne s'agissait pas de cela cette fois. Il devait avoir un entretien officiel avec le chef de cet endroit. cela convenait parfaitement au Jaffa, qui pourrait ainsi jauger de la qualité de l'homme qui gérait cet endroit et dont la réputation était si forte. Il suivit son guide sans un mot, après avoir hoché la tête en signe d'acquiescement, et se trouva devant une porte. Il frappa et attendit patiemment en observant l'endroit, dépaysant au possible.

Taek’Won n’eut pas longtemps à attendre, une réponse se fit entendre de l’intérieur du bureau. Il prit une longue respiration et entra, un peu inquiet du poids qui reposait sur ses épaules. Après tout, il était ici pour représenter la Nation et devait donc être irréprochable et efficace.

Il se trouva face à un Tau’ri qui lui fit un vague signe de la main pour lui désigner un siège. C’était une habitude de négociation très spécifique à cette race de s’asseoir alors qu’il fallait au contraire se montrer fort. Le Jaffa hésita : il voulait respecter les coutumes de son peuple, même s’il était venu en allié. Il souhaitait également témoigner du respect au chef de cette base et donc rester debout. D’un autre côté, c’était lui-même qui lui recommandait de s’installer donc… Taek’Won comprit que cela n’allait pas être si aisé de s’habituer à vivre ici, d’autant qu’il avait cru comprendre qu’il n’avait pas de frères présents.

A contrecœur, il s’assit dans le fauteuil, en cherchant à ne pas s’y affaisser. Il leva les yeux vers l’homme qui parlait dans un curieux appareil, sans doute une radio bien que l’on entende qu’une seule voix, et parfois des éclats sonores de l’autre personnage. Tous paraissaient passablement énervés. Le contenu des paroles du Colonel figea le guerrier sur place. « Coucher avec Carter » ? « Piquer un générateur à Naquadah » ?

Taek’Won se retourna pour bien s’assurer qu’il avait frappé à la bonne porte. Car il lui sembla qu’il avait en face de lui un aliéné, et qu’il s’était peut-être égaré dans une annexe de l’Omade’wa’tak. Mais non, il était au bon endroit, ce qui le paniqua. Son interlocuteur s’intéressa enfin à lui et Taek’Won mit un long moment à comprendre que les noms qu’il venait de lui asséner était le sien, déformé. Comment ce Tau’ri avait-il pu être un si grand guerrier alors qu’il paraissait presque pathétique ?

Cependant, Taek’Won avait appris à ne pas juger a priori et donc se réservait avant de se prononcer définitivement sur l’individu. Le Tau’ri attendait apparemment que ce soit le Jaffa qui mène l’entretien, ce qui était très déstabilisant pour un guerrier habitué à obéir sans poser de questions. Il chercha donc quelque chose de sensé à dire afin de ne pas passer pour un Ajak.

« Kel’nok. Matal Taek’Won. Je n’ai pas eu la chance de rencontrer Teal’C. C’est le Conseiller Wis’No de notre base d’In’Nite, qui m’a parlé de cette mission et m’a dit que je participerais au même titre que votre peuple aux opérations nécessaires. Mais il n’est pas entré dans les détails. »

Taek’Won avait fait un gros effort pour construire une longue conversation et il espéra que cela suffirait. Il n’était pas très bavard habituellement.

« Peut-être pouvez-vous me dire ce que vous attendez de ma présence ? »

Taek’Won avait été choisi par le Conseil pour son calme et son adaptabilité. Aussi c’est avec une indifférence maîtrisée et un détachement feint qu’il accueillit les paroles du responsable de la base.

"Moi ? Ce que j’attends de vous ? Eh bien, rien à vrai dire."

Taek’Won eut envie de lui répondre que dans le cas où cette réponse serait exacte, au moins, il ne serait pas déçu, n’espérant rien. Cependant, comme il l’avait appris, il garda cette cinglante réplique pour lui et n’afficha qu’un air neutre. Il ne manquerait pas malgré tout d’informer Wis’No sur le fait que le héros Tau’ri avait peut-être besoin de repos… et était bien décevant au premier abord. Taek’Won se demanda malgré tout comment un guerrier pouvait réagir lorsqu’il se retrouvait loin propulsé loin des combats. Cela expliquait probablement le comportement plus qu’étrange du militaire.

O ‘Neill écorcha au passage les « bureaucrates », sans doute un peuple qui lui avait causé du tort. Mais pourquoi en parler ainsi à un Jaffa inconnu, qui n’avait encore jamais visité le monde Bureaucratie ? Puis il lui expliqua qu’il serait logé dans la base et cela soulagea fortement Taek’Won qui ne se voyait pas déambuler dans un village Tau’ri sans connaître leurs us et coutumes. Non pas qu’il en ait peur, mais il paraissait plus prudent de se familiariser avec leur mode de vie avant de vouloir s’intégrer.

Son interlocuteur termina par quelques curieux avertissements, dont celui de ne pas s’approcher des Omade’wa’tak. Mais il ne comprit absolument pas pourquoi, ni ce qui se passait, ni ce qui avait frappé l’individu, si c’en était bien un, dénommé Siler. D’ailleurs ce qui l’inquiéta était que le militaire ne savait pas plus que lui ce qui s’était passé.

Taek’Won se fit la réflexion que les scientifiques de ce monde n’étaient pas les seuls à être fous. Le responsable de la base avait dû passer trop de temps à arpenter l’univers. Etait-ce un effet secondaire du Chapa’ai que de perdre la tête ? Il n’en avait jamais entendu parler. De nouveau, il l’interrogea sur les éventuelles questions qu’il pourrait avoir :

« Qu’est-ce qu’une cantine ? »

Taek’Won, cette fois, en était persuadé. O’Neill était aliéné. Il lui avait réellement proposé parmi les sujets à débattre, la question de la « cantine », qui se révélait au final n’être que le réfectoire. Il n’avait bien évidemment aucune conscience de la tentative de son hôte pour briser la glace en jouant sur le terrain de l’humour. Aussi il était consterné. Il gardait cependant un visage sans expression, afin de ne pas trahir sa déception. Il se contenta d’une courte réponse, par courtoisie, une fois l’explication donnée sur cet endroit qui paraissait enthousiasmer le responsable.

« Oui, nous avons le même système sur In’Nite. »

Taek’Won se garda d’ajouter que sur la base rebelle, se retrouver pour le repas commun à heures fixes était obligatoire et que les rapports entre les Jaffas n’étaient pas toujours amicaux. D’anciennes rivalités, de nouvelles, toute cela créait parfois des situations explosives et Taek’Won espérait ne pas rencontrer ce genre de chose ici au moment des repas.

Puis contre toute attente, O’Neill se concentra enfin sur le rôle que le jeune Jaffa aurait à jouer sur cette base Tau’ri. Il lui asséna qu’il devrait suivre un entraînement, et vexa Taek’Won en faisant référence à son passé d’esclave aveuglé par un faux dieu. Il n’aimait pas qu’on lui rappelle cette période sombre de sa vie, durant laquelle il avait commis tant d’atrocités au nom d’un être qui était en réalité cruel et usurpateur. Il prit une mine sombre et se contenta de répondre d’une voix grave :

« Je ne suis plus un esclave depuis longtemps. J’ai appris à me battre selon les stratégies de la Nation. Néanmoins je suis conscient que je dois être initié à vos techniques de combat et je m’emploierai à y exceller. »

Il se tut un moment, pour retrouver un peu de sérénité et continuer ses propos avec moins d’emphase. Il était inutile de froisser O’Neill, surtout compte tenu de son état mental actuel.

« Je n’ai aucun désir particulier. Je suis ici pour représenter la Nation et servir l’Alliance. J’irai donc où vous le jugerez utile. Je pense que je préfère me livrer à mes propres explorations.»

Taek’Won pensa qu’il en apprendrait bien plus en déambulant seul ici qu’en restant avec le Tau’ri : qui sait si celui-ci n’allait pas se mettre à lui parler de la mode ou de la vie de Carter, qui semblait un sujet de conversation qui le passionnait ?

Le général sembla faire un signe, dont la signification profonde échappa au Jaffa, mais qui lui parut amical. Leur conversation touchait à sa fin, et il appela quelqu’un qui était supposé le chaperonner pour ses premiers pas dans la base. Taek’Won comprenait tout à fait cette démarche, et l’avait même déjà connue sur In’Nite, où un dénommé Gyu, guerrier expérimenté, l’avait accompagné les premiers jours qui avaient suivi sa déprogrammation. Bien sûr, Gyu était principalement là pour mettre fin aux jours de Taek’Won si jamais celui-ci avait eu la velléité de trahir les Rebelles, aussi il espéra que le dénommé Walter n’était pas présumé remplir cette même mission… D’ailleurs au vu de son gabarit, cela lui aurait sans doute difficile.

O’Neill se permit d’écorcher son nom et le Jaffa s’inclina devant le dénommé Walter en se présentant lui-même. Après tout, lui ne se serait pas autorisé à appelé le responsable simplement « O ». Toutefois, il concevait que le Général, compte tenu de son état, puisse utiliser des raccourcis.

« Je suis Taek’Won. Je suis honoré de faire votre connaissance. »

Une nouvelle fois, O’Neill fit preuve de son caractère réfractaire aux tâches de gestion induites par le poste en réclamant un dossier qu’il possédait déjà. Taek’Won sourit en imaginant quel choc cela serait si le Général rencontrait Wis’No, son homologue sur In’Nite qui était toujours si méticuleux et pointilleux sur ce genre de choses.

Le Jaffa s’inclina ensuite en signe de congé et répondit à son nouveau responsable :

« Au nom de la Nation, je vous remercie de l’accueil que vous m’avez réservé. »

Puis il se dirigea vers la sortie, disposé à suivre l’aide de camp.